Lettre adressée à M. Bruno Le Maire, Ministre de l’Économie et des finances et M. Philippe Wahl, Président Directeur Général du groupe La Poste par l’intersyndicale.
Copie à M. Emmanuel Macron, Président de la République et M. Edouard Philippe, premier Ministre.
M. le Ministre, M. le Président,
Nous tenons à vous alerter, par ce courrier, au sujet de la situation de tension et de pression à laquelle est actuellement soumis le corps social au sein du Groupe La Poste. La crise sanitaire que nous vivons, avec la propagation rapide et massive du virus Covid-19 a en effet des conséquences graves sur les personnels qui continuent à exercer des activités dans le cadre du groupe La Poste.
Le Président de la République et le Ministre de l’Intérieur ont annoncé un certain nombre de mesures allant dans le sens d’un confinement extrêmement strict pour la population. Les possibilités de déplacement sont réduites au strict minimum.
Pour autant, les salariées sont « invités » à venir travailler. Nous sommes, de fait, placé·e·s dans une situation de contradiction extrême entre deux injonctions. Cette situation renforce le sentiment d’insécurité, déjà fort dans cette situation de pandémie.
Vous avez vous-même, M. Le Ministre, précisé que les salarié·e·s des « secteurs essentiels » devaient se rendre sur leur lieu de travail, « dans des conditions de sécurité maximales », tout en indiquant que La Poste faisait partie des activités indispensables au fonctionnement du pays.
M. Le Ministre, M. Le Président, les organisations syndicales constatent les problèmes suivants :
– d’une part, les conditions de sécurité sont bien loin d’être maximales au sein du Groupe La poste ;
– d’autre part, les missions essentielles que La Poste et ses filiales doivent assurer relèvent d’une conception très extensive, de la part du siège, des missions vitales à rendre en direction de la population.
L’usage massif du droit de retrait, sur l’ensemble du territoire, par les postières et les postiers, témoigne d’une grande inquiétude des agents. Cette inquiétude légitime justifie, pour l’ensemble des organisations syndicales, l’usage du droit de retrait. Par exemple, dans bien des établissements de la maison-mère et des filiales, les moyens élémentaires pour faire face à l’épidémie et limiter sa propagation font défaut : gel hydroalcoolique, dispositif de séchage papier à usage unique, matériel de désinfection, masques… Dans bien des sites, la distance de sécurité ne peut être respectée.
Placé·e·s dans une situation où leur santé et leur sécurité, mais aussi celle de la population avec laquelle ils et elles sont contact, n’est pas assurée, ces salarié·e·s prennent leurs responsabilités en faisant usage de leur droit de retrait. Ils et elles subissent pourtant, très souvent, des pressions intolérables de la part du groupe, notamment des menaces de sanctions pécuniaires. Nous dénonçons ces pratiques scandaleuses. Elles ne sont pas conforme à l’idée que l’on se fait de la responsabilité d’un employeur.
Concernant les missions dévolues à La Poste dans cette période si particulière, force est de constater que direction de La Poste d’un côté, salarié·e·s et organisations syndicales de l’autre, ne placent pas, là non plus, les priorités au même endroit. L’insistance à vouloir livre des colis, quelle que soit la nature de ces derniers, en est un exemple éclairant. S’il est vrai que le confinement généralisé de la population requiert une adaptation particulière, il n’est pas, à notre sens, dans nos missions prioritaires de livrer des biens de consommation courante sans hiérarchisation. De même, dans les bureaux de poste, les mesures de protection nécessaires ne sont pas assurées dans tous les sites. Les opérations priorisées sont également un sujet important d’incompréhension. Là encore de nombreux droits de retrait voient le jour.
C’est pourquoi nous proposons que, dans les plus brefs délais, soit engagée une discussion au sujet des missions que devrait assurer prioritairement le groupe La Poste dans l’actuelle situation. Cette discussion devrait pouvoir se mener entre l’Etat, La Poste et les organisations syndicales. A notre avis la présence des associations de consommateurs et de l’association des maires de France serait également utile. Elle devrait concerner, notamment, la définition de ces missions, ainsi que les conditions de leur exercice.
Pour le dire autrement il s’agit, pour nous, d’agir réellement dans la perspective de réorienter entièrement les activités du groupe vers la satisfaction des besoins essentiels et vitaux de la population, dans le respect absolu de la santé et de la sécurité de tous.
M. Wahl, plusieurs de nos organisations vous ont écrit, il y a de cela plusieurs jours. Ces lettres sont, pour l’heure, restées sans réponse.
Il faut agir autrement, et il faut agir vite. Chaque jour compte.