LE HARCÈLEMENT MORAL INSTITUTIONNEL – UN DÉLIT ENFIN RECONNU

14 avril 2025 Juridique

Ce 21 janvier 2025, avec le rendu de sa décision, la Cour de cassation a tranché quant à la reconnaissance du harcèlement moral institutionnel dans le cadre du procès France Télécom. En effet, les juges considèrent qu’il est désormais possible de sanctionner pénalement les dirigeant d’une entreprise pour avoir commis ce type de harcèlement, résultat d’une politique d’entreprise ayant pour conséquences la dégradation des conditions de travail des salariés.

À partir de 2005, France Télécom, devenue Orange, a instauré un système managérial ayant pour objectif une réduction drastique des effectifs de l’entreprise. Ce système a conduit à une crise sociale grave, impliquant suicides, tentatives de suicide et cas de dépression.

L’entreprise et plusieurs dirigeants ont été condamnés en première instance ainsi qu’en appel pour « harcèlement moral institutionnel », les juges se basant sur l’article 222-33-2 du Code pénal, qui vise le “harcèlement moral au travail”, une première juridique.

On parle de harcèlement moral au travail lorsqu’une ou plusieurs personnes sont la cible d’agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail, dégradation susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.

Plusieurs prévenus ont introduit un pourvoi en cassation, soumettant ainsi aux juges la question de savoir si les dirigeants d’une entreprise peuvent être condamnés pour harcèlement moral au travail lorsqu’ils définissent et mettent en œuvre une politique générale d’entreprise susceptible de dégrader les conditions de travail des salariés, même si une telle hypothèse n’est pas expressément visée
par les textes législatifs.

La Cour de cassation a clarifié cette question en intégrant le concept de “harcèlement moral institutionnel” dans le cadre du harcèlement moral au travail tel que défini par le code pénal. En effet, selon les juges, le législateur a entendu donner à cette notion une portée particulièrement large, précisant que :

  • La loi n’exige pas que ces agissements répétés visent une victime spécifique ;
  • La loi n’exige pas non plus que ces agissements s’inscrivent dans une relation interpersonnelle directe entre l’auteur et la victime.

Par cette décision, la Cour contribue à une meilleure compréhension de la législation, permettant ainsi de sanctionner les agissements répétés résultant d’une politique d’entreprise ayant pour conséquence la dégradation des conditions de travail des salariés

La cour d’appel a, par des motifs suffisants, établi l’existence de comportements caractérisant le délit de “harcèlement moral institutionnel”. En conséquence, les pourvois formés par dirigeants ont été rejetés, rendant leurs condamnations définitives.

Articles associés