Que penser de la présomption de démission en cas d’abandon de poste ? Explication sur ce concept adopté par le Parlement dans la loi Marché du travail.
Selon jurisprudence constante, la démission ne se présume pas, elle doit être claire et non équivoque. C’est un des modes de rupture du contrat de travail.
Quant à l’abandon de poste, il a toujours été considéré comme une éventuelle faute pouvant aboutir au
licenciement, dès lors que l’employeur avait sommé le salarié de reprendre le travail et que celui-ci n’était pas revenu sur son poste de travail. Le licenciement en découlant permettait jusqu’alors au salarié ayant abandonné son poste de percevoir le chômage.
La Loi adoptée en novembre 2022 par le Parlement vient en complète contradiction avec la jurisprudence. Conséquence directe : un salarié abandonnant son poste sera dorénavant présumé démissionnaire et se retrouvera privé d’indemnité chômage. En effet, la démission n’ouvre pas le droit au chômage sauf dans certaines circonstances très restrictives (liste des motifs de démission légitime non exhaustive):
• Suivi de conjoint
• Changement de résidence justifié par des violences
conjugales
• Démission d’un salarié victime d’actes (présumés)
délictueux pendant l’exécution de son contrat de travail.
• Démission pour créer ou reprendre une entreprise.
• Démission pour projet de reconversion professionnelle.
• Démission d’un journaliste professionnel consécutive à l’une des situations suivantes énoncées par le code du travail : la cession du journal ou du périodique ; la cessation de la publication du journal ou périodique ; le changement notable dans le caractère ou l’orientation du journal ou périodique (clause de conscience invoquée par le salarié).
Cette nouvelle loi prévoit la création de l’article L. 1237-1-1 du code du travail qui disposera : « Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure à cette fin, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, est présumé démissionnaire. »
Il s’agit d’une présomption simple qui pourra être contestée devant le Conseil des Prud’hommes. Néanmoins, cette loi risque de voir se conflictualiser les relations salariés/ employeur et d’engorger les Conseils de Prud’hommes.
Les conseils des prud’hommes saisis d’un litige à ce sujet auront un mois pour statuer et ce, directement en bureau de jugement comme pour la prise d’acte de la rupture du contrat de travail. Or, ce délai n’est jamais respecté. Le salarié qui aura abandonné son poste ne sera pas indemnisé par Pôle emploi pendant toute la durée de la procédure.
Cette loi soulève de nombreuses interrogations.
• De principe, une démission ne se présume pas. Avec un tel projet de loi, la présomption de démission sera-t-elle admise par le Code du travail ?
• Le salarié ayant abandonné son poste sera-t-il redevable d’un préavis à son employeur ?
• Un abandon “volontaire“ signifierait que l’intention du salarié devra être prouvé. La mise en demeure de
reprendre son travail adressé par l’employeur, restée sans réponse suffira-t-elle ?
• Dans le cas où la démission est invalidée par le juge, l’employeur sera-t-il condamné pour licenciement injustifié ?