Cadre juridique et harcèlement moral

13 décembre 2021 Fédération

Maître Rachel Saada et Jean-Louis Osvath ont abordé ce sujet lors du forum sur la Souffrance au travail du 25 novembre 2021, en rappelant les règles du cadre juridique autour du harcèlement moral et les outils existants pour le contrer.

Qualifié par le terme “d’agissements ” dans l’article L1152-1 du Code du Travail et par celui de “comportement” dans l’article L222-3 du Code Pénal, le harcèlement moral est répréhensible. Comme pour la discrimination syndicale ou salariale, la charge de la preuve est partiellement inversée : le salarié doit présenter des faits laissant supposer un harcèlement et l’employeur doit, quant à lui, apporter un motif légitime (c’est-à-dire étranger à un harcèlement).

Par la Directive cadre européenne du 12 juin 1989, l’employeur assure la prévention de tous les risques professionnels y compris la santé et la sécurité de ses salariés. La Loi de modernisation sociale de 2002 ajoute les notions de santé physique et mentale. Enfin, la Loi de novembre 2021 autorisant la ratification de la convention 190 de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) va plus loin : elle évoque l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail, elle instaure des moyens et des mesures immédiatement exécutoires. Neuf principes généraux de prévention à appliquer ont ainsi été transposés en droit français en 1991. Par décret du 5 novembre 2001, ouvrir un Document Unique d’Evaluation des Risques devient obligatoire.


En 2002, les arrêts “amiante” ont apporté une obligation de sécurité et de résultat, mais la Cour de Cassation a estimé en 2016 que si l’employeur a tout mis en œuvre pour la prévention cette obligation peut être aménagée.

Le harcèlement moral est caractérisé par trois conditions cumulatives. Des agissements répétés envers un salarié qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Ces agissements répréhensibles, mais pas forcément avec la volonté de nuire, peuvent être consécutifs à des “erreurs répétées”. En 2009, le harcèlement moral passe d’individuel à organisationnel, comme on l’a connu dans le procès France Telecom.


Le harcèlement est constitutif d’un Accident du Travail, dont la définition est : survenu par le fait ou à l’occasion du travail. Nuance importante : le risque institutionnel de l’entreprise n’entraîne pas le besoin de trouver une faute, mais offre une présomption d’imputabilité. A la Sécurité Sociale de dire que c’est lié à une cause étrangère. Un accident du travail peut être déclenché par action volontaire dans les deux ans auprès de la Sécurité Sociale. Lorsque l’entreprise ne veut pas reconnaître l’accident du travail, le médecin généraliste peut s’acquitter de remplir le Cerfa.
La dénonciation d’une situation de harcèlement moral n’est pas constitutive de diffamation. Une protection légale est prévue même s’il y a inexactitude du harcèlement moral, sauf en cas de mauvaise foi. Dans ce cadre les enregistrements restent illicites.


Un droit d’alerte en cas d’atteinte aux personnes déclenche l’enquête du Comité Social et Economique, de préférence avec le membre ayant signalé le cas. L’enquête, contradictoire, portera sur la question du travail et non sur la vie privée et peut faire entendre des personnes ayant quitté l’entreprise. Un arrêt fait toutefois prévaloir la discrimination sur le respect de la vie privée.


L’ennemi en la matière, c’est bien la psychologisation des relations de travail. La dérive fréquente des témoignages type « Il était fragile à titre personnel » doit être combattue par l’établissement des faits et une objectivation de la réalité.


Ces interventions ont trouvé un écho très fort dans les témoignages des participants au Forum.

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