Intégration ou inclusion ? Si ces deux notions sont proches, il ne faut pour autant pas les confondre. L’intégration, longtemps prônée, vise à ouvrir les portes du monde dit ordinaire à la question du handicap sans changer son fonctionnement. Les personnes doivent s’adapter pour s’approcher le plus possible de la norme en vigueur. L’inclusion, elle, propose une approche plus révolutionnaire.
Elle interroge le système et les normes proposées ; la personne dite en situation de handicap n’est plus un “problème”, mais une opportunité de repenser les manières de faire, les modèles en vigueur. Ce n’est plus seulement la personne embauchée qui s’adapte, mais une réflexion conjointe avec l’environnement dans lequel elle est amenée à travailler.
Préjugés et stéréotypes entravent les perspectives professionnelles des personnes titulaires d’une reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (RQTH), même lorsqu’elles sont qualifiées pour les postes disponibles. Ceci est visible dès le début du processus de recherche de travail, notamment lors de l’entretien d’embauche. Lors de cette première rencontre viennent se confronter des représentations fortes de la part du recruteur (et du candidat) sur lesquelles il doit travailler. Comment aborder la question des aménagements pendant ce moment ? Comment mettre l’autre à l’aise pour qu’il se sente en confiance pour exprimer ses besoins ? Quelles sont les attentes en termes de compétences ? Sur quels critères la décision va-t-elle se faire ? Sont-ils différents pour cet entretien ?
La question du handicap en entreprise est un levier pour penser ou repenser les manières de travailler, les fonctionnements en place et rarement réinterrogés. Elle met en avant l’intrication forte du développement des compétences et des conditions requises pour que ce dernier puisse ce faire, au-delà des personnes ayant une RQTH. De quoi chacun a besoin pour exprimer l’ensemble de ses potentialités et dans quelle mesure l’entreprise participe à cet environnement capacitant. Cela amène à réfléchir sur l’accessibilité physique des lieux de travail, un des premiers freins à l’embauche, mais plus profondément à la modularité de son organisation. Les points sur lesquels on ne peut pas transiger, les impondérables, mais aussi les réflexes pris, les impensés qui n’ont finalement pas vraiment de sens. Grâce à cette réflexion, le sujet des aménagements raisonnables sera moins un obstacle qu’un incontournable dans l’expression des talents des collaborateurs.
Comment travailler, comment produire, réfléchir ensemble, repenser des fiches de poste en fonction des besoins et compétences de chacun ? Mener une démarche inclusive en entreprise, c’est penser bien au-delà du handicap, à la diversité dans son ensemble. Un chariot avec un bac à fond remontant préconisé pour un vendeur ayant une RQTH peut s’avérer être un aménagement utile à tous pour gagner en efficacité et prévenir les troubles musculo-squelettiques. Exemple, parmi tant d’autres, d’opportunités de faire évoluer des conditions de travail au regard d’une situation particulière.
Former, sensibiliser sont des actions importantes, mais rien ne vaut l’audace de prendre quelqu’un en stage, d’aller visiter un ESAT, de tenter le coup d’une période d’essai. Expérimenter et non plus tenter de rassurer ou « faire passer l’idée » ; tiendrions-nous d’ailleurs le même discours en parlant de l’accès à l’emploi des femmes ou des personnes racisées ? Le handicap n’existe que dans la rencontre d’un individu (caractéristiques personnelles où la pathologie ne prend pas toute la place d’ailleurs) avec un environnement et un contexte (relations interpersonnelles, sentiment d’être reconnu ou non par l’autre), c’est dans le rapport de ces trois dimensions qui fait naître ou non la situation de handicap.
Ainsi, chacun doit prendre sa part dans les défis que l’inclusion nécessite et se centrer non pas sur ce qui fait différence, mais sur la ressemblance ; le besoin d’être reconnu par l’autre comme compétent et utile.