FAIT FEU DE TOUT BOIS POUR REBONDIR
L’arrêt en 2020 de la principale usine à papier française, UPM à Chapelle Darblay, décidé par son propriétaire finlandais, a été l’un des éléments déclencheurs pour se pencher avec sérieux sur l’avenir de la filière papier-carton. L’ensemble du secteur regroupe pas moins de 300 000 salariés.
L’avenir de cette filière étant menacé, à l’initiative du Ceser Normandie, un groupe de travail constitué de représentants d’entreprise, de députés, de chambres patronales, de l’ensemble des organisations syndicales représentatives, a été créé. La fédération CFTC Media+ avec Pascal Boulin (secrétaire général adjoint secteur édition), Johann Decoux (président du syndicat papier[1]carton des Vosges) et Moëz Thabet (secrétaire général adjoint secteur papier-carton) ont activement participé à toutes les réunions et à l’élaboration d’un manifeste à destination des pouvoirs publics. Au cours de plusieurs réunions, un diagnostic sur l’avenir de la filière a été établi, et ont été mesurées les opportunités et ses difficultés dans l’objectif d’élaborer des propositions auprès des ministères concernés sur sa pérennité. La guerre en Ukraine a des effets au niveau du transport (le personnel des pays de l’Est est aujourd’hui réquisitionné dans le conflit), du prix des énergies dont les prix flambent, des matières premières (l’Ukraine est le fournisseur principal d’amidon, par exemple).
Ces constats alimentent les trois plans d’actions du groupe de travail :
• L’usage du papier versus l’usage du numérique, avec, par exemple, la mesure de l’impact écologique d’usage de prospectus contre l’usage des publicités via réseaux.
• La qualité de la collecte du papier, avec 20 kg de papier par an par habitant qui ne sont pas collectés, et donc pas retraités…
• L’organisation de la filière et de ses interdépendances. Ces grands enjeux font l’objet d’un manifeste pour interpeler les nouveaux élus politiques.
Le site de la Chapelle Darblay sauvé grâce aux actions syndicales
Trois ans de lutte acharnée pour éviter la démolition de l’usine et la vente des machines ont enfin porté leurs fruits.
En mai 2022, le site de Grand-Couronne, dernier site français de fabrication de papier journal et d’emballage 100 % recyclé, a été revendu à deux industriels Fibre Excellence et Veolia. Cette usine, qui était un modèle d’industrie vertueuse pour la transition écologique, a donc servi de catalyseur et a incité le gouvernement et plusieurs députés à lancer deux missions sur l’avenir de la filière papier[1]carton. Pendant plusieurs mois, visites de sites et auditions se sont succédé et ont abouti à un nouveau rapport. Un premier rapport parlementaire en 2014, avait déjà proposé 34 chantiers pour sauver la filière en misant sur le recyclage.
Malheureusement, les années qui ont suivi ont vu la situation se détériorer. Si en 2021, en raison de l’abandon des emballages plastiques et à cause de l’explosion des livraisons à domicile, la consommation et la production de papier et carton ont progressé de 5% et 7%, le secteur reste fragile.
Cette hausse des volumes en 2021 n’a pas suffi à endiguer la tendance de fond de fermeture des usines destinées aux papiers journaux. En effet, en 2001, le papier destiné aux usages graphiques représentait 45 % de l’ensemble de la production de papier en France, en 2021 ce taux est tombé à 17,7%… La flambée du coût des matières premières n’épargne pas le secteur avec à titre d’exemple +160% pour les cartons ondulés récupérés en 2021 par rapport à 2020. Les syndicats, dont la CFTC, restent particulièrement vigilants sur les aides attendues et pour la soutenir dans la filière et sa feuille de route de décarbonation.
Des actions pour remettre en avant l’utilisation de l’imprimé, soutenir les entreprises qui nécessitent de lourds investissements et, par exemple, mettre en place une campagne nationale d’information et de sensibilisation à la fabrication du papier et enfin mettre fin à l’idée mensongère, « non le papier n’égale pas un arbre détruit » font partie des solutions envisagées. Le papier est une matière écologique, une ressource naturelle renouvelable, recyclable et compostable. ■